mardi 5 janvier 2016

La terre qui penche Carole Martinez ♥♥♥♥♥

La Terre qui penche 

Carole Martinez



















GALLIMARD
Collection Blanche
Parution : 20-08-2015
368 pages, 140 x 205 mm
ISBN : 9782070149926


Présentation de l'éditeur



Blanche est morte en 1361 à l’âge de douze ans, mais elle a tant vieilli par-delà la mort! La vieille âme qu’elle est devenue aurait tout oublié de sa courte existence si la petite fille qu’elle a été ne la hantait pas. Vieille âme et petite fille partagent la même tombe et leurs récits alternent.
L’enfance se raconte au présent et la vieillesse s’émerveille, s’étonne, se revoit vêtue des plus beaux habits qui soient et conduite par son père dans la forêt sans savoir ce qui l’y attend.
Veut-on l’offrir au diable filou pour que les temps de misère cessent, que les récoltes ne pourrissent plus et que le mal noir qui a emporté sa mère en même temps que la moitié du monde ne revienne jamais?
Par la force d’une écriture cruelle, sensuelle et poétique à la fois, Carole Martinez laisse Blanche tisser les orties de son enfance et recoudre son destin. Nous retrouvons son univers si singulier, où la magie et le songe côtoient la violence et la truculence charnelles, toujours à l’orée du rêve mais deux siècles plus tard, dans ce domaine des Murmures qui était le cadre de son précédent roman.


L'auteur nous présente le roman




Mon avis

Carole Martinez nous emmène au Domaine des Murmures, perché sur un rocher sur la Terre qui penche vers la rivière. Nous sommes deux siècles plus tard, vers 1360, à l'endroit où Esclarmonde fut murée,  "Le Domaine des Murmures".

En route pour un roman à deux voix, celle de l'âme vieille , ce qu'elle est devenue des siècles plus tard et qui nous conte l'histoire de Blanche enfant morte à 12 ans avec qui elle est enfermée.

Blanche au présent nous raconte son enfance, et la vieille âme qui aurait tout oublié des siècles plus tard et qui l'écoute.

Blanche a onze ans et rêve d'apprendre à lire et écrire pour pouvoir broder son nom. Elle ne connaît que la lettre B.  Son père, Martin,  juge que l'instruction n'est pas utile, il assoit son autorité à la badine.  Martin a 38 ans, il est veuf, un peu lubrique et sème des bâtards un peu partout.

Un jour, on tisse un bel habit brodé pour lui et pour Blanche et les voilà partis en voyage jusqu'au domaine des Murmures.  Son père l'abandonne tout simplement au château sur la Terre qui penche en bord de Loue pour être marié à Aymon fils du domaine, simple d'esprit se prenant tantôt pour un oiseau, tantôt pour un poisson.  Martin poursuit sa route laissant Blanche.

Blanche veut d'abord s'enfuir surprenant son père avec Aelys sa future marâtre. Martin était jadis amoureux d'Aelys mais il ne fait que l'utiliser sexuellement l'abandonnant ensuite.  Blanche se fait alors la promesse que JAMAIS elle ne se livrera à un homme..

Finalement elle se plaît aux "Murmures".  On lui donne l'éducation, elle va apprendre à lire et à écrire pour pouvoir diriger le domaine plus tard.  Elle apprivoisera petit à petit son promis Aymon.

La rivière joue un rôle essentiel dans le récit, se transformant en Dame Verte avec ses crues meurtrières.  La Loue car c'est d'elle que l'on parle jouera un rôle prépondérant dans le récit.

Carole Martinez nous parle du Moyen Âge avec ses seigneurs, ses vassaux, ses tournois, ses disettes, son épidémie de peste et la multitude de décès engendrés par elle.  Elle nous emmène dans un récit à la limite du fantastique, dans un monde onirique de fables et de légendes, le tout agrémenté de chansons médiévales et du roman du Renart.

La vision de l'enfance, l'amour, le passage à l'adolescence, la prise de conscience de la place de la femme sont des thèmes évoqués dans ce roman initiatique tout en poésie et en délicatesse.

Que de jolies phrases lues, que l'on savoure lentement tellement elles sont délicieuses.  La magie des rêves, des mots.  Une écriture splendide, maîtrisée, poétique, belle.  Merci Madame Martinez, j'ai vraiment fait un voyage splendide.  Un récit exceptionnel.

Un Immense coup de coeur pour moi.


C'était une LC avec ma binôme Julie des Petites Lectures de Scarlett, son avis se trouve ici

Les jolies phrases


Comme les hommes sont attentifs quand on leur parle d'eux !


Au fil du temps, nous reconstruisons notre vie pour lui donner une consistance, une cohérence.


Je suis Chardon, car mon esprit est si plein de piquants qu'aucune fille ne me cherche jamais noises.


Les secrets de famille sont des fantômes, on les enterre, mais ils nous hantent. Si je doutais de mon existence, je dirais même que ce sont les seuls vrais fantômes. Mais peut-être ne suis-je qu'une simple histoire de famille qui se cherche désespérément un sens.


Heureux ceux qui désirent jusqu'au bout, et même au-delà, ceux qui meurent curieux, heureux les oublieux qui redécouvrent chaque jour le monde, heureux les emphatiques, les simples et les croyants ! Heureux les imbéciles !


Tu m'as révélé à moi même, mon fils. Grâce à toi, je me suis offert la joie d'être un homme aimant et imparfait. Imparfait du fait même de ton existence et affaibli par mon amour.


Un père aimant et vulnérable.


La mémoire est une alchimie merveilleuse, certains souvenirs nous donnent l'illusion du réel !


Les souvenirs, c'est comme les mouches ! On a beau les chasser, ça revient, ça pique et ça bourdonne dans le silence ! Y a qu'à les écraser.


Cheval et rivière, tous deux blancs d'écume et bruns de terre, râlaient côte à côte.


Être père ne parait pas bien compliqué, il suffit d'être celui qui se fait obéir, celui dont on ne discute pas les décisions, il suffit d'être à l'image de son père. On ne ressent rien dans son corps, on ne porte pas de fruit, on ne donne pas un morceau de chair pour forger un enfant, on ne risque pas sa vie en la donnant. (suite p 172)


Je suis heureuse, car il me semble que nous sommes mûrs pour l'amour, pas pour cette chose que père fait avec toutes les femmes, pas pour cette violence des corps poussés les uns contre les autres qui se montent comme des chiens dans un furieux désordre jusqu'à s'entre-dévorer ; non, mûrs pour un amour précieux, qui éveille les êtres au monde, mûrs pour cet amour qui nous ouvre la poitrine en deux et jaillit de nos coeurs, de nos bouches, de nos yeux, de nos côtes, et coule comme du sang dans toutes les saignées des champs, pour cet amour qui creuse son chemin dans les vignes, dans les forêts, dans le ciel, et rend toute chose, sinon intelligible, au moins sensible. Cet amour qui fait respirer l'espace sans retenue et accepter que la beauté du monde me transperce comme une épée. Je suis mûre pour l'amour, je ressens cette joie qu'on éprouve à n'être qu'une part de quelque chose de plus vaste.








5 commentaires:

argali a dit…

Un de mes coups de cœur de la rentrée. L'écriture de Carole Martinez me séduit toujours.

Anonyme a dit…

Un nouveau coup de coeur en commun <3
Si j'ai adoré l'histoire, je suis vraiment tombée en amour de la plume de Carole Martinez !!! Merci pour cette belle LC !

les billets de fanny a dit…

C'est un livre vraiment intrigant, et comme j'ai écrit sur le groupe, j'aime les livres à deux voix ! Merci pour cette jolie chronique

femmlesdelettress a dit…

Cette autrice est vraiment unique ! J'aime beaucoup ta recension, la mienne est ici : https://femmesdelettres.wordpress.com/2016/06/02/carole-martinez-la-terre-qui-penche-juin-2015/

nathalie vanhauwaert a dit…

Merci Femmes de lettres, j'en profite pour saluer ton joli blog. Nath