samedi 2 février 2013

Les deux messieurs de Bruxelles Eric-Emmanuel Schmitt ****


Les deux messieurs de Bruxelles      ****

Eric Emmanuel Schmitt




Les deux messieurs de Bruxelles par Schmitt


4ème de couverture   

"En amour, on croit être deux alors qu'on est trois."

Dans la lignée de Concerto à la mémoire d'un ange; La rêveuse d'Ostende et Odette Toulemonde, les nouvelles très romanesques d'Eric-Emmanuel Schmitt parlent de l'amour sous toutes ses formes : conjugal, clandestin, paternel, filial, mais aussi de l'amour de l'art ou amour de l'humanité. A travers un suspens subtil et ensorcelant, elles dépassent à chaque fois les apparences pour déjouer l'attendrissante complexité du coeur humain.

Ma critique 

Eric-Emmanuel Schmitt nous propose ici 5 nouvelles (grandes nouvelles ou petits romans, c'est parfois difficile de les qualifier) dont le thème principal est l'Amour et gérer la souffrance. Comme l'auteur le dit lui même , les vies virtuelles qui composent le fond d'une vie réelle.

1.  Les 2 messieurs de Bruxelles

Geneviève Grenier reçoit une drôle de nouvelle, elle hérite de Jean Daemens.  Qui est-il ?? Pourquoi hérite t-elle de sa fortune ?
Elle s'est mariée il y a 55 ans à la cathédrale Ste Gudule de Bruxelles. Le jour de leur mariage; deux hommes, Jean et Laurent ont échangé leur consentement en même temps qu'eux dans le fond de l'église.
Un lien fictif s'est créé et ils ont assumés :
- leur féminité virtuelle en suivant la vie de Geneviève, l'évolution de son couple, l'arrivée des enfants : son bonheur, ses déceptions, ses joies maternelles, ses sacrifices...
-leur paternité virtuelle avec  l'arrivée de David, l'enfant qu'ils n'auront jamais.

L'amour, le vrai, ils le vivent dans leur relation sans contrainte, il le voit évoluer au travers de Geneviève et de sa famille, ils sont conscients de leur manque de ne pas être parent.

Quel est cet amour ?  N'est ce pas plus simple pour  deux hommes qui se ressemblent tellement et savent ce que l'autre ressent, étant de même nature, alors qu'un couple hétéro doit s'apprivoiser, apprendre à connaître comment fonctionne l'autre sexe ?

Avec une écriture simple, de façon naturelle Eric-Emmanuel Schmitt nous emmène dans des réflexions intéressantes à l'heure du mariage pour tous qui suscite tant de débats.  Quant est-il du droit des homosexuels de vivre leur amour de façon officielle de fonder ou non une famille?

2. Le chien

Magnifique nouvelle emprunte de beaucoup de sensibilité.  L'amour, la haine, la vengeance, le pardon..
Cette nouvelle m'a bouleversée et émue, entraînant multitudes réflexions sur la nature animale et la nature humaine. L'animal n'est-il pas plus juste, plus humain que nous?

Qui est le plus facile à aimer : l'homme ou le chien ?  Et qui nous le retourne le mieux, notre amour ?

On rencontre ici, Samuel, un médecin qui, sa vie durant a eut le même chien pendant 40 ans. Argos, toujours un beauceron.  Il forme un couple avec son chien.

Cinq jours après le décès accidentel de son chien, Samuel se suicide. Pourquoi ?  A cause du départ de son chien?  On essaie de comprendre.

Et cet homme, plein de mystère, nous révélera pourquoi ce chien a pris tant de place. Il nous conduira pendant la guerre, il a 15 ans lorsqu'il est dénoncé et emmené à Auschwitz.  Les camps, l'inhumanité et puis une certaine rencontre qui changera son existence.

Cette nouvelle nous parle d'amour et de souffrances :  l'amour de sa soeur; l'amour de son ennemi après un désir de vengeance; l'amour du genre humain grâce à l'amour d'un chien..

Qu'est ce qui peut conditionner l'existence, faire qu'un jour on ai le sentiment d'exister, de découvrir le bonheur??  et pouvoir accorder le pardon

3. Ménage à trois

Lorsqu'un homme vous épouse parce qu'il admirait éperdument votre mari, cela devient un ménage à trois.  Ce n'est pas ce que vous croyez, à lire pour découvrir l'amour et l'art cette fois.

4. Un coeur sous la cendre

Direction l'Islande, la force, la beauté et la place de la nature, la rudesse du climat et de la terre, éruption volcanique et magnifique parallèle entre la vie et la mort.

C'est beau comme la nature, l'amour d'Alba envers son filleul, la complicité et leurs échanges.

C'est dur comme la nature.  Sans transplantation cardiaque Jonas (le filleul) ne survivra pas.  Il faut la mort pour la vie.  Thor le fils d'Alba meurt tragiquement. Jonas reçoit la greffe tant attendue.  Et tout bascule...

Est ce acceptable pour une mère de se dire que la vie de son fils a été enlevée pour en donner une autre?  La souffrance, la colère, l'incompréhension d'Alba l'empêche de voir la réalité en face et d'accepter la transplantation de Jonas, où est-ce un autre sentiment qui la ronge?

Des rebondissements et un dénouement inattendu nous démontrerons que la souffrance peut se dépasser et l'amour être plus fort de tout.

5. L'enfant fantôme 

L'avortement thérapeutique est au centre de cette dernière nouvelle.

Comment l'amour triomphe  ou non sur certain choix de vie cornélien.  Faut-il donner la vie avec les risques connus en cas de pathologies graves?  Faisons-nous le bon choix ?  A -t-on droit de vie, droit de mort?  N'avons nous pas une mission et un rôle à jouer sur cette terre ??

Une fois de plus, des nouvelles qui ne laissent pas indifférent et qui nous amènent plus loin dans la réflexion et qui nous questionnent au delà de la lecture de ce livre.  C'est ce que j'aime chaque fois dans les ouvrages de Schmitt.

Pour terminer, l'auteur nous livre son journal d'écriture, pour partager avec lui ses motivations dans l'écriture, le lien qui s'est créé entre les différents textes.  Un joli petit bonus.


Les phrases qui m'ont interpellées

Etre romancier signifie avoir la passion des autres.

J'avais oublié que j'étais une personne, je ne m'attendais plus à être considéré, il m'avait restitué ma dignité.

Si les hommes ont la nécessité de croire en Dieu, les chiens ont la nécessité de croire en l'homme !

Peut être qu'il aimait mieux son chien que les gens ...  ... c'est d'aimer autant les chiens ou d'aimer si peu les hommes ?

Un héros c'est un homme qui essaie d'être un homme toute sa vie, tantôt  contre les autres, tantôt contre lui même

Qui est le plus facile à aimer, l'homme ou le chien ? Et qui nous le retourne le mieux notre amour?

Ce chien m'embrassait avec amour, c'était la fiancée qui ne m'attendait pas, la famille que je n'avais plus, le seul être qui m'avait recherché.

J'aime que la nature soit forte, qu'elle nous humilie, qu'elle nous rappelle sa puissance, qu'elle nous remette à notre place.

Telle une éruption de lave, joie et tristesse montèrent de ses entrailles et fusèrent intriguées, explosant violemment en sanglot.  Alba était secouée de bonheur et de malheur, partagée entre une Alba de surface, affable, dynamique, d'humeur égale, à une Alba de profondeur , intérieure colérique, suspicieuse, vengeresse.










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